Le
Répertoire Mytho-géographique
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(mise à jour : le 2 avril 2001)
Cette rubrique entend compléter les « Eléments du répertoire mytho-géographique », régulièrement publiés dans notre Bulletin.
Il sagit de constituer une base de données à partir des notes et des observations de proximité de chacun : une façon de collecter des informations à travers le territoire qui renoue avec la démarche initiale de notre fondateur Henri Dontenville. Avec les moyens offerts par lInternet en plus.
A titre
dexemple, nous reproduisons ici quelques notices rédigées
par Patrice LAJOYE, et reprises du Bulletin.
Mais il est bien entendu que cest sur vous membres ou non de la
Société, mais attentifs à notre patrimoine mythologique
que nous comptons pour la nourrir et lenrichir. En donnant toutes
les précisions utiles pour localiser et justifier les faits que vous
présentez, ainsi que votre nom et, si possible, votre contact.
Seine-Maritime : Saint-Samson-de-la-Roque et Le Marais-Vernier
Saint Samson au VIème siècle a fondé un monastère en ce lieu, après avoir précipité un dragon dans une grotte nommée le Trou-Béranger. Le nom de ce trou est une variante de Bélanger/Baligan, nom d'un démon ou feu follet fréquent en Normandie et qui semble dériver de Bélénos. Au Marais-Vernier, commune limitrophe, on perpétue encore la coutume de l'étampage, c'est-à-dire le marquage du bétail autorisé à aller paître dans le marais. Cette cérémonie a lieu le 1er mai, date de Belteine, fête de Bélénos.
biblio : Jean de Longaunay, " Le Marais-Vernier ", Patrimoine Normand, 1996, n°10, p. 36-41 ; Patrice Lajoye, " Saint Germain à la rouelle (Trois gorges et un oiseau 2) ", Bulletin de la Société de Mythologie Française, 2000, n°201, p. 40-43 ; Pierre Flobert (éd. et trad.), La Vie ancienne de Saint Samson de Dol, 1997, Paris, CNRS Editions.
Gers : Boulaur
Il existe
là une fontaine Saint-Menne réputée guérir les scrofules,
les ulcères, la lèpre, et les affections herpétiques. On
s'y rendait en procession solennelle, avec les reliques du saint qui sont conservées
dans l'église paroissiale, chaque année la veille de la Saint-Jean-Baptiste,
c'est-à-dire le 23 juin.
On ne peut aussi s'empêcher de penser à un saint plus connu, saint
Méen, le disciple de Samson de Dol, fêté le 21 juin, dont
les lieux de culte sont très souvent liés à une fontaine
guérissant les maladies de peau. Toutefois, les implantations connues
de ce saint, presque toutes au nord de la Loire, remontent vraisemblablement
au Moyen Age. Comment ce fait-il donc qu'un saint breton, qui plus est avec
des reliques, se soit perdu dans le Gers ? En 1640, des reliques de saint
Méen sont reconnues à Nailloux, non loin de Villefranche, diocèse
de Toulouse. Ces reliques ont depuis disparu. S'agit-il de celles de Boulaur ?
biblio : Henri Polge, " Saints thaumaturges et fontaines consacrées du diocèse d'Auch ", Bulletin de la Société archéologique, historique, littéraire et scientifique du Gers, 1957, p. 35 ; Albert Le Grand, Vies des saints de la Bretagne Armorique, 1901, Brest, p. 252.
Eure : Plasnes
En 1917, Léon Coutil, dans un article un peu fourre-tout mais extrêmement riche, signalait laconiquement : " Pierre de Plasnes (Eure), ou pierre de saint Accroupi (Agapit), sur laquelle on vient prier et où l'on conduit les enfants qui ont difficile à marcher (sic) ". La pierre n'est maintenant plus signalée nulle part. On trouve cependant dans un bois un cercle tracé au sol par des cailloux, accompagné d'une croix, et près duquel on retrouve quantité d'ex-voto (principalement des chaussures). Tout autour, les branches des arbres sont nouées. L'église de Plasnes, elle, renferme une statue de saint Agapit, récemment repeinte, et en dessous de laquelle des chaussures ont été clouées au mur. Renseignement pris, la statue serait elle aussi originaire du bois. (Voir Calvados, Les Moutiers-Hubert).
biblio :
Léon Coutil, " La chapelle Saint-Eloi de Nassandres - Etude sur
le culte des pierres, des sources et des arbres dans les départements
de l'Eure, la Seine-Inférieure et la Normandie ", Recueil
des Travaux de la Société Libre d'Agriculture, Sciences, Arts
et Belles-Lettres de l'Eure, VIIème série,
t. 5, 1917, p. 159-276.
Calvados : Les Moutiers-Hubert
En 1953, Roger Vaultier et Jean Fournée parlent d'un saint " Accroupi " dans les termes suivants : " Nous avons cru bon d'écarter des personnages purement imaginaires, tel l'amusant " Saint Accroupi " invoqué naguère dans la vieille église des Moutiers-Huberts (Calvados), aujourd'hui complètement détruite par les bombes. M. le chanoine Simon, l'érudit curé de Montreuil-en-Auge, pense " que ce nom est une déformation de celui de saint Agapit ". Est-ce bien certain ? N'est-ce pas plutôt la posture de la statue qui a valu à celui qu'elle représente cette épithète [...] ". Et tous deux d'ajouter que la statue en question était en fait un fragment de Trinité (seul le Père subsistait) déterré à une date indéterminée dans le cimetière paroissial. Ce saint était censé guérir les enfants noués. Vaultier et Founée ne se trompent guère dans leur interprétation de ce " saint ". La statue a en effet été retrouvée. Il s'agit en fait d'un saint Sébastien mutilé, aux jambes brisées sous les genoux, et posée telle quelle, sans aucune réparation.
biblio :
Roger Vaultier et Jean Fournée, Enquête sur les saints protecteurs
et guérisseurs de l'enfance en Normandie, 1953, Paris, Société
Parisienne d'Histoire et d'Archéologie Normandes, p. 3 ; communication
orale : Jack Maneuvrier, ancien président de la Société
historique de Lisieux.
Calvados : Caen
Paul-Marie Duval signalait dans son ouvrage fondamental Les Dieux de la Gaule, l'existence d'une représentation d'un tricéphale sur l'église abbatiale de la Trinité de Caen. Cependant, cette église n'a jamais été ornée d'une telle figure. Etait-ce donc une erreur ? Un petit ouvrage du Docteur Louis Gosselin, donne une gravure d'un médaillon représentant un tricéphale. Celui-ci est en fait sur un pilier d'arc-boutant soutenant le côté nord de l'église Saint-Sauveur-du-Marché, toujours à Caen. Cette petite église a été remaniée à chaque époque de son existence (du roman au baroque). Le médaillon, lui, est du XVIème siècle. Le bâtiment est actuellement en cours de restauration, près de 60 ans après les bombardements qui l'ont ruinée.
biblio :
Paul-Marie Duval, Les dieux de la Gaule, 1993, Paris, Payot, p. 12 ;
Louis Gosselin, Saint-Sauveur du Marché et son quartier, sans
date, Caen.
Calvados : Saint-Pierre-des-Ifs
L'oppidum du Castellier, sur les communes de Saint-Pierre-des-Ifs et de Saint-Désir près de Lisieux est, avec ses 160 ha de superficie, l'une des plus vastes fortifications gauloises qui aient jamais existé. Son rempart, actuellement un simple talus de terre, est toujours visible dans sa presque totalité. On connaît mal ce site, faute de fouilles archéologiques. La seule chose qui soit certaine à son sujet est qu'il a été vraisemblablement abandonné lors de la conquête romaine, pour être remplacé, dans le courant du second siècle après J.-C., par deux ou trois établissements agricoles. Le centre géographique de cet oppidum est actuellement occupé par une magnifique bâtisse du XVIème siècle, le haras de la Motte, planté au bord d'un petit étang aménagé, dont le déversoir est un ruisseau qui marque la frontière entre les paroisses de Saint-Désir et de la Motte (paroisse rattachée depuis la Révolution à Saint-Pierre-des-Ifs). Or ce qui est remarquable, c'est que cet étang est alimenté par une petite fontaine christianisée, située juste sur son bord ouest. Celle-ci est bâtie en maçonnerie de gros appareil, probablement de la même époque que le haras (le mortier utilisé est similaire). Elle s'orne de trois petites niches dont deux sont actuellement vides alors que la troisième, en position centrale, s'orne d'une statuette moderne de la Vierge. Durant les années 1920, ces niches étaient signalées comme vides. On ignore donc la dédicace originelle de cette fontaine. Toujours est-il qu'elle est un magnifique exemple de christianisation d'un culte situé dans un oppidum, centre politique et religieux de toute une civitas gauloise, celle des Lexovii.
biblio :
Alexandre Moisy, notes manuscrites conservées à la Société
historique de Lisieux - cartons sur l'Archéologie.