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Mélusine
est un personnage clef de la mythologie française.
Un
nom aux résonances magiques, qui ouvre la porte au rêve,
comme l'ont compris aussi bien les poètes que les commerçants.
Ce
nom n'apparaît au grand jour qu'à la toute fin du XIVème
siècle, avec les romans de Jehan d'Arras et de Coudrette.
Mais il est probable qu'il existait déjà auparavant.
Le personnage en tout cas est avéré bien plus tôt
: il
renvoie à plusieurs grands thèmes légendaires,
comme par exemple la nymphe des eaux, l'être de terroir,
le génie qui habite un certain lieu, le succube qui
vient du monde diabolique s'unir charnellement avec un homme, l'annonciatrice
de mort, la vouivre ou encore la sirène.
Mais
la richesse de cette figure, qui échappe à toute réduction,
suggère bien d'autres développements. Femme, fée,
serpente et oiseau, elle participe de tous les éléments,
de toutes les natures. Toujours actuelle, elle s'affirme comme un
inépuisable support de réflexion sur la nature et
la destinée humaines.
Tout
semble indiquer qu'elle est l'héritière de très
anciennes croyances. Plus
qu'une nymphe, elle est une véritable divinité des
eaux. Et elle apparaît comme une déesse-mère,
révérée en des temps ancestraux, et peut-être
sur des terres éloignées.
Une
hypothèse séduisante, entre autres, la feraient venir
de l'antique Scythie. Hérodote (Histoires,
IV,9, Les Belles Lettres, trad. Ph. E. Legrand) ne raconte-t-il
pas l'aventure survenue à Héraclès sur
son chemin de retour d'Erythée, d'où il ramène
les vaches de Géryon ? Celles-ci ont soudainement diparu.
" Il serait arrivé dans la région qu'on
appelle l'Hylaia ; là, il aurait trouvé dans une antre
une jeune fille serpent formée de deux natures ; les parties
supérieures de son corps, à partir des hanches, étaient
d'une femme ; les parties inférieures, d'un reptile. Il la
regarda avec étonnement ; puis il lui demanda si elle n'avait
pas vu quelque part des cavales vagabondes. Elle répondit
que c'était elle-même qui les avait et qu'elle ne lui
rendrait pas avant qu'il se fût uni à elle ; et Héraclès
se serait uni à elle pour ce prix. " Il la quitta,
et trois fils naquirent. Parmi eux Skythès devint l'ancêtre
de la famille royale scythe.
Mélusine n'est peut-être pas si loin que cela : les
Taïfales, qui étaient des Scythes, ont pris pied, avec
l'armée romaine, dans le Poitou où s'est incarnée
Mélusine. Et ils ont même donné leur nom à
la ville de Tiffauges, dont la fée construsit le château
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Raymondin
put voir, en un fragment d'instant, le corps de la Femme se lier
indissolublement au corps du Serpent. Les vastes hanches; le ventre
bombé achevaient leur dessin dans celui d'une puissante queue
de reptile, enroulée sur elle-même et merveilleusement
burelée d'azur et d'argent. Dans le dos de Mélusine,
des ailes avaient poussé, légères comme celles
des séraphins mais sombres comme celles des démons.
C.
Louis-Combet,
Le Roman de Mélusine
Bois
gravé du XVIème siècle.
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