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Dontenville est le fondateur de lécole de mythologie française.
Né à Charenton-le-Pont, il fit ses études au Lycée Chaptal, et se destina au professorat. Ayant effectué son stage pédagogique au Lycée Janson-de-Sailly en compagnie de Jean Giraudoux, il passa lagrégation à vingt-et-un ans, fut nommé professeur au Lycée de Poitiers en 1911. Parti en août 1914 avec le 325e de ligne, il fut plusieurs fois blessé (Croix de Guerre, Légion dHonneur) et, à sa démobilisation, devint professeur au Lycée dAvignon, entretenant des relations littéraires avec Daniel Rops et Henri Bosco. Devenu inspecteur dAcadémie (Privas, 1925), il occupa ce poste à Moulins (1927), Angers (1933) et Lyon (1938).
Au cours de ses tournées dans les régions lyonnaise et angevine, il découvrit, par les enfants et leurs instituteurs, lexistence dun Gargantua populaire ignoré de lUniversité, ne devant rien à Rabelais, mais corrélé à de riches traditions orales ignorées des programmes scolaires.
Dans les années 1938-1939, à Lyon, il essaya expliquera-t-il plus tard « de soutenir le moral de mes concitoyens inquiets par un appel aux forces du terroir, riche en sites à légendes, quaniment des Êtres dont les noms ne sont pas répandus ailleurs. » À cet effet, il publia en 1939 une plaquette illustrée par des enfants des écoles, et honorée dune préface dÉdouard Herriot. Lauréat de lInstitut pour un mémoire sur Les doctrines morales contemporaines, il publia, de 1921 à 1935, divers ouvrages littéraires ou philosophiques.
À la défaite de 1940, il quitta tout poste de responsabilité pour professer au Lycée Hoche à Versailles, puis au Lycée Charlemagne à Paris. En 1947, il soutint avec succès une thèse de doctorat ès lettres sur la mythologie française. Elle fournira la matière de son livre Mythologie française, qui parut en 1948, et dont le titre sinspire de celui dun ouvrage publié en 1771 par labbé Bullet : Dissertation sur la mythologie française.Par ce travail, Dontenville, qui lavait conçu durant loccupation allemande, entendait évidemment apporter une « réponse » à la Deutsche Mythologie des frères Grimm.
En 1948, il lança dans le Bulletin de lÉducation nationale un appel aux instituteurs, les invitant, par une série de questionnaires, à sintéresser au folklore dans leur pratique pédagogique. Il reçut lécho favorable dune vingtaine de correspondants, principalement des instituteurs et institutrices comme A. Lamontellerie (1995), mais aussi des chercheurs venus dautres horizons : Paul Lecotté qui sera un jour président dhonneur de la Société dethnologie française, Paul Delarue qui sillustrera plus tard dans létude des contes, puisquil signera le premier volume du Catalogue raisonné du conte populaire français, ou encore Roger Dévigne, poète ami de Benjamin Perret, André Breton, Tristan Tzara et Joseph Delteil, et spécialiste des traditions orales qui fut le premier directeur de la Phonothèque nationale de 1938 à 1953.
Ces
passionnés de folklore se regroupent alors pour former, en 1950, une
Société de Mythologie française
dont Dontenville est président jusquà sa mort, et publiant
toujours, depuis cette date, un bulletin trimestriel. Depuis lors, la mythologie
française sest affirmée comme une discipline étudiant
la matière folklorique des contes et légendes localisées
de France, dans leur association au calendrier populaire (cadre du temps sacré
dune année rituelle) et à la toponymie (témoin
dune géographie sacrée quempruntent les pèlerinages,
circumambulations et rogations, et dont tiennent compte les plans des villes,
ponts, églises, chapelles, etc.). Utilisant des données éparses
patiemment extraites de lhagiographie, de lhistoire et de larchéologie,
de la littérature et du folklore, de létymologie et de
la toponymie, il sagit alors délucider la mémoire
des sources anciennes (médiévales, antiques, protohistoriques,
préhistoriques) du légendaire français. En 1972, Dontenville
regrettait lignorance, par les programmes officiels de lÉducation
nationale, du vaste domaine quil avait le premier défriché,
regret toujours de saison en ce début du troisième millénaire:
« ce qui, au long des siècles, a donné crainte ou espérance
aux gens de chez nous, cela écrira-t-il nest
nulle part enseigné ». Il est vrai que ses travaux furent
fraîchement accueillis par nombre de folkloristes et dethnologues
français: Dans Le Monde Alpin et Rhodanien (1974/3-4:195-196)
Charles Joisten lui reprochera dutiliser des « sources extrêmement
hétérogènes » et préférera expliquer
les traditions orales plutôt par des « mentalités historiques
» que par une mythologie (alors quil ny a là nulle
incompatibilité); Arnold van Gennep (Manuel I, iv, 2, p. XIV)
critiquera ses « rapprochements linguistiques fantaisistes »
(en oubliant curieusement le poids des étymologies populaires), et
ironisera sur sa tentative de « résurrection des théories
celto- et gallomanes » (mais la position de van Gennep était
elle-même excessivement peu celtophobe !). Depuis, ses continuateurs
ont corrigé certaines erreurs méthologiques ou étymologiques
que ces adversaires ont souvent eu beau jeu de monter en épingle, et
lapprofondissement des textes mythologiques irlandais, rendus disponibles
par les traductions de C.-J. Guyonvarch, a permis de démontrer
le bien-fondé de lhypothèse dune forte composante
celtique dans le légendaire français. Mieux : la très
haute antiquité de Gargantua quun Charles Guyonnet (Nouvelle
Revue des Traditions Populaires 1950:68) contestait en reprochant à
Dontenville de nen avoir point apporté la preuve ressort
dune comparaison précise entre de la geste populaire du géant,
le conte de Jean-de-lOurs, et le mythe dAmirani, ainsi que la
bien démontré Bernard Sergent en 1992.
Bibliographie :
vers 1930. Chroniques angevines écrites par Henri Dontenwille ; avec l'aide de Jean de Bourdigné et quelques autres. Angers : Librairie du roi René, 158 p.
1939. La Vie peu connue du bon géant Gargantua résumée, d'après témoignages et documents, par l'inspecteur d'Académie du Rhône, pour être mise en beaux dessins et récits par les écoliers de Lyon et d'ailleurs. Préface du président Herriot. Lyon: J. Chevalier et fils, II-60 p.
1948. La Mythologie française. Paris: Payot ("Bibliothèque historique"), 227 p. (Nouvelle éd. revue et corrigée: Paris, Payot, coll. "Le regard de l'histoire", 1973, 267 p. ; et 1998, avec une préface de B. Sergent).
1950. Les Dits et récits de mythologie française. Paris: Payot, 255 p.
1952. Rabelais vu de la Devinière. Six causeries radiophoniques par Henri Dontenville. Suivi du Catalogue du Musée Rabelais à la Devinière. Tours: Association des Amis de Rabelais et de la Devinière et Club des compagnons de Rabelais, 39 p.
1956. Dontenville (Henri) [préface] & Françon (Marcel) [éd.] Les Croniques admirables du puissant roy Gargantua [Texte imprimé], réimprimées avec introduction et notes par Marcel Françon. Préface de Henri Dontenville. Rochecorbon: C. Gay, LXXXIV-152 p.
1960. La France mythologique. Travaux de la Société de mythologie française, sous la direction de Henri Dontenville. Paris: Tchou ("Bibliothèque du merveilleux") (rééd.: 1966, Paris : Cercle du livre précieux; 1980: Paris : H. Veyrier-Tchou, 379 p.-[40] p. de pl.
1963. Rabelais dedans Touraine, à l'usaige et profict des pèlerins de la Devinière. Tours : Association des amis de Rabelais et de la Devinière. 32 p.
1973. Histoire et géographie mythiques de la France. Paris : G.-P. Maisonneuve et Larose, 378-XVI p.
1975. [dir.] avec René Alleau. Guide de la France mystérieuse. Paris : Presses pocket (Coll. "Galerie du mystère"), 5 vol.