Les Outils

Le territoire de la mythologie française n'est pas directement accessible. L'époque préhistorique nous a laissé des monuments sans nous en fournir les clefs. Les Celtes se sont longtemps refusés à figer leurs mythes dans la pierre ou par l'écrit. Le Moyen Age chrétien a posé un filtre doctrinaire sur toutes les légendes qu'il a véhiculées …

Qui plus est, les mythes en eux-mêmes constituent une matière fluctuante, qu'il n'est pas toujours facile de cerner. En ce domaine, les opposés peuvent coexister et même se conforter, et il faut se garder de rien exclure. Comme le dit Roland Barthes : " Il n'est pas de version "vraie", dont toutes les autres seraient des échos déformés. Toutes les versions appartiennent au mythe. " (Anthropologie structurale, Plon, Paris, 1958, p. 242)

Ce n'est donc que par des voies détournées que l'on pourra accéder aux thèmes et aux personnages. Et l'enquête mythologique relève fondamentalement de la transdisciplinarité : elle doit faire appel à toutes sortes de domaines de recherche, à toute une panoplie d'outils. Ce ne sera qu'en croisant les résultats, et en les confrontant, que des pistes pourront être dégagées, des interprétations proposées.

On peut définir quelques-unes des approches qui sont particulièrement fécondes en ce domaine, au premier rang desquelles la toponymie, l'étude du calendrier et la recherche bibliographique occupent une place de choix.

Citons également, et entre autres :

L’histoire littéraire est le dépositaire, plus ou moins fidèle, de l’imaginaire populaire et de bien des traditions attachées à une ancienne mythologie. Il s’agit aussi bien de la littérature dite orale ou du Cycle du Graal que des romans de Georges Sand, des livres de colportage ou des Contes de Perrault que de certains auteurs contemporains. L’œuvre de Rabelais que Claude Gaignebet a passionnément explorée, constitue sans doute, au-delà du personnage réinventé de Gargantua, le fonds le plus riche qui nous ait été légué.

Les créations artistiques proposent un terrain d’investigation tout aussi riche, que ce soit sur le plan des concepts, avec notamment l’étude du patrimoine architectural, ou sur le plan des thèmes et des personnages, avec la statuaire, les fresques et tous les arts figuratifs, essentiellement populaires.

La recherche anthropologique, en interrogeant traditions, croyances, rites et fêtes, réunit quant à elle les apports de l’ethnologie, de la sociologie ou de la psychologie …

L’archéologie permet évidemment d’explorer les témoignages du passé et d’essayer de les faire parler pour expliciter certaines légendes ou traditions.

L’histoire a de tous temps été sollicitée pour expliquer ou étayer le fonds mythique. Evhémère, dès le IVème s. av. J.C., voyait dans les mythes et légendes une simple amplification de l’histoire, et les Pères de l’Eglise n’en ont pas usé différemment ; ils pouvaient ainsi reprendre et assimiler à leur profit les leçons de l’Antiquité, tout en réfutant le paganisme. D’un autre côté, la famille de Lusignan, comme bien d’autres en France, et comme Jules César avant eux, revendiquait une ascendance surnaturelle, quitte à porter le fardeau d’un héritage diabolique.

La linguistique, quant à elle, est susceptible de fournir bien des clefs, dans la mesure où la pensée mythologique s’élabore en grande partie à travers les mots. Comme le notait Max Muller : « Il y a beaucoup de cette sorte de mythologie populaire qui flotte dans le langage du peuple par suite de la tendance très naturelle et très générale qu’ont les hommes à être convaincus que tout nom doit avoir une signification. Si la signification réelle et originelle d’un nom vient à être oubliée (et cet oubli est causé principalement par les ravages de l’altération phonétique) on attribue une nouvelle signification à la forme altérée, d’abord avec quelque hésitation, mais bientôt avec pleine assurance. » (Nouvelles lectures sur la science du langage, t. II, p.285-286)

La géographie, dans la mesure où les légendes s’inscrivent dans un terrain bien particulier, et où l’on s’aperçoit que les grands thèmes cultuels semblent vouloir organiser le territoire.  

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