"Céphalophore", en grec, signifie "porteur de tête. Ce mot désigne en fait toute une catégorie de personnages qui, ayant été décapités, se relèvent, prennent leur tête entre leurs mains, et se mettent en chemin pour rejoindre le lieu où ils désirent être inhumés. Il s'agit là d'un thème fréquent dans l'hagiographie chrétienne, et saint Denis, le patron de Paris, en est l'exemple le plus célèbre : martyrisé sur la colline de Montmartre, il est allé jusqu'à l'actuel site de Saint-Denis pour y être enterré. Parmi les principaux céphalophores, on peut citer sur notre territoire : saints Ache et Acheul (Amiens), Adalbald (Périgord), Aphrodise (Béziers), Ausone (Angoulême), Aventin (Saint-Aventin, près de Luchon), Balsème (Ormes), Céran (Paris), Chéron (Chartres), Chrysole (Comines), Clair (Vexin), Démètre (Gap), Didier (Langres), Elophe (Soulosse), Euchaire (Liverdun), Fargeau et Fergeon (Besançon), Firmin (Amiens), Fuscien et Victoric (près d'Amiens), Gaudens (Haute-Garonne), Genès (Arles), Gohard (Nantes), Hilarion (Espalion), Honoré (Thénezay), Just (Beauvais), Juste d'Auxerre (Louvres), Léon (Bayonne), Lié (Pithiviers), Livier (Metz), Lucain (Parisis), Lucien (Beauvais), Lupien (Gévaudan), Maurin (Lectoure), Maxime et Vénérand (Acquigny), Mitre (Aix-en-Provence), Miliau (Guimiliau), Nicaise (Reims, et Vexin), Oricle (Senuc, Ardennes), Papoul (près de Castelnaudary), Parrès (sud de la Champagne), Piat (Tournay), Quitterie (Aire-sur-l'Adour), Révérien (Autun), Sabinien (Dauphiné), Sever (Gascogne), Silanus et ses trois compagnons (Périgord), Symphorien (Autun), Trémeur (Carhaix), Tropez (Var), Valérien (Tournus), Vénérand (Troyes) Yon de Châtres (Arpajon), ainsi que saintes Basilée (sud-est de Bayeux), Bazille (Gironde), Bologne (le Bassigny), Germaine (Bar-sur-Aube), Haude (Finistère), Hélidie (Auvergne), Libaire (Grand ou Toul), Maxence (Beauvaisis), Noyale (Pontivy), Probe (Laon), Procule (Gannat), Protaise (Senlis), Quitterie (Aubous), Saturnine (Sains-lès-Marquion, près d'Arras), Solange (Berry), Spérie ou Espérie (Saint-Céré), Tanche (Lhuître, dans l'Aube), Théphine (Côtes-d'Armor), Valérie (Limoges), Verge (Saiinte-Verge, près de Thouars). On a pu interpréter cette particularité de porter sa tête entre ses mains par une considération iconographique : l'artiste aurait trouvé cette solution pour représenter dignement, et "avec toute sa tête", celui qui en fait l'avait perdue de par son martyre ... une convention toute naturelle pour exposer la nature du supplice enduré. Et la légende se serait ensuite créée afin de justifier de telles images. Une légende qui se développe, au-delà de quelques variantes, selon des schémas assez souvent récurrents : le saint, par exemple, a tendance à traverser une rivière, à passer de l'autre côté de l'eau, avant de gravir une côte, à gagner un lieu élevé (à moins qu'il n'en vienne), et de parvenir au lieu qui lui accordera enfin le repos. Ils y lavent volontiers leur tête dans une fontaine, et la posent sur une pierre qui reste marquée de son sang. Là un personnage féminin se charge éventuellement des derniers soins à lui donner.
Le lieu, la pierre et la fontaine s'en trouvent sacralisés et deviennent supports de dévotions (à moins, comme c'est probable, que la légende ne rende compte a posteriori un culte préchrétien). Mais
il semble que le thème ne soit pas exclusivement chrétien,
et on peut tenter d'autres explications. Orphée, dont la tête,
emportée par le courant du fleuve, continue de clamer le nom d'Eurydice.
Mais surtout l'importance accordée par les Gaulois à la
tête : les têtes coupées des vaincus, qui étaient
rituellement exposées. Mais aussi des "dieux-têtes",
des figures divines dont la représentation ne comprend que cette
partie du corps. Et J.-J. Hatt rapproche ces images d'une statue acéphale
représentant sans doute Esus. voir un exemple de céphalophorie : sainte Noyale
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